Föhn Ensemble cs862

 

 

Deux souffleurs de Belgique impliqués depuis bon nombre d’années dans la libre improvisation : Jean-Jacques Duerinckx aux saxophones sopranino et baryton et Jacques Foschia, aux clarinettes basse, Mi-bémol et Si-bémol « aigu » se sont souvent rencontrés dans des concerts communs et finalement dans un concert en duo (à ma demande), duo qui a perduré au fil des années. Mais J.J. a la marotte des duos ou trios de souffleurs avec entre autres, le saxophoniste alto et soprano Adrian Northover et le clarinettiste Tom Jackson etc… Par la suite Adrian et J.J. ont gravé un véritable bijou à deux saxophones : Hearoglyphics (Setola di Maiale). Pour rendre plus attractive l’occasion d’une seule performance du trio à la Chapelle du Grand Hospice à Bruxelles le 23/04/24, il fut décidé de réaliser un enregistrement le jour suivant, le 24, car un 24 du mois en 2024 ça doit être pas mal. Mais depuis l’époque Bruxelloise, Jacques Foschia s’est inventé une nouvelle passion : les flûtes japonaises en bambou (« shakuhashi »), dont il sélectionne lui – même des morceaux à même la nature dans la vallée de la Drôme où il réside depuis plusieurs années. Il en découpe des tronçons et taille précisément l’encoche de l’embouchure. Il a appris à souffler dans ses « kyotaku » avec une belle précision et ce supplément d’âme des grands souffleurs, étant lui – même un clarinettiste d’envergure et maestro de la clarinette basse. Adrian et Jacques sont devenus amis au sein du London Improvisers Orchestra entre 2000 et 2011. Ils siégeant dans un section d’anches aux côtés de Lol Coxhill, Evan Parker, John Butcher, Caroline Kraabel, Harrison Smith et Alex Ward. En visite à Londres en 2000, Jacques Foschia a joué un soir avec le L.I.O et l’orchestre lui a demandé de revenir enregistré leur deuxième album The Hearing Continues (Emanem). Sérieusement, le L.I.O. avait alors un super clarinettiste, Alex Ward, mais Jacques jouait de la clarinette basse à un niveau qui n’avait en 2000 aucun équivalent en U.K. dans le domaine de l’improvisation, alors même qu’il se sentait comme un novice issu du classique et du contemporain. De même Jean-Jacques Duerinckx est sans doute le saxophoniste improvisateur le plus distinctif de la scène improvisée en Belgique jouant dans des projets électroacoustiques ou free-rock-psyché-free (Neptunian Maximalist et ZAÄAR). Le sax sopranino est un instrument assez rebutant et difficile à maîtriser et c’est à mettre au crédit de J.J. d’en faire son instrument principal. Et Adrian Northover, saxophoniste talenteux et expérimenté est depuis longtemps un incontournable de la scène londonienne (Adam Bohman, les groupes légendaires B Shops for The Poor et Remote Viewers) avec de nombreuses cordes à son arc..
La musique du trio étant basée sur l’écoute et les idées – feelings – suggestions tacites de chacun, elle couvre un large panorama de timbres, de sonorités, de dynamiques de jeux et de souffles, de substrats mélodiques ou harmoniques, de ramifications, un côté folklore imaginaire. On y entend un solo ou l’autre (Adrian , J.J.), le saxophone soprano « courbé » d’Adrian qui offre une vraie particularité (devinez laquelle, on ne va pas tout expliquer) qui s’adapte avec une vraie singularité face aux techniques alternatives de JJ qui implose la colonne d’air du sopranino ou du baryton avec des effets de souffle « far out » ou réagit au quart de tour en mode « free-jazz » à l’occasion. Mais aussi le mystérieux Ryokaku de Jacques ouvre complètement l’horizon en faisant entendre son filet de son pur éthéré parmi le souffle des deux saxophones. Le Ryokaku , c’est parfait pour souffler avec J.J. lequel n’hésite pas à souffler dans le tube du sopranino sans le bec… la colonne d’air vibre sans anche offrant le passage de l’air insufflé comme une sonorité factice mais vivante. Facétieux , Jacques a conservé une quantité suffisante de tronçons de bambou impropres à se transformer en flûtes pour pouvoir en jouer comme instruments de percussions dans une perspective complètement free voisine des Paul Lovens et Roger Turner, éclatée et sauvage sans excès de volume sonore. Percussions colorées et singulièrement résonnantes avec cette qualité « boisée » naturelle au niveau de la sonorité. Bref, ce trio est un vrai plaisir d’écoute, crée une magnifique atmosphère ce création organique, faite d’air, de vents, d’anches, de tubes et de bambous… Jean-Michel Van Schouwburg (Orynx)