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Erythro cs377
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En quarante huit minutes et treize pièces remarquablement bien construites la pianiste Christine Wodrascka et le percussionniste Jérôme Lacoste déclinent tout un panorama de sons, d’articulations, de vibrations, de timbres, de pulsations folles … Le piano est soigneusement préparé, rempli d’objets et martelé au-delà du raisonnable, ses timbres et résonnances enchevêtrés dans le foisonnement percussif. Après l’obstinato furieux de la deuxième pièce, Shaolin Si, vient les sons planants des cymbales à l’archet et de la vibration éthérée d’un grand gong supendu complété par le grondement sourd des tréfonds du grand piano. Symbiose totale digne du meilleur AMM ! Le quatrième mouvement, Hokusai, se veut mobile, volatile au clavier et acéré aux percussions métalliques, ponctué par une grosse caisse sourde et tonitruante. Les gestes des instrumentistes secouent littéralement et font résonner les objets qui encombrent le piano et la batterie. Le numéro cinq, La Pierre Jaune, sollicite le raclage violent des cordiers de la carcasse et le sciage expressif et mouvant d’une cymbale tordue résonnant sur une peau. D’un point de vue sonore, on est à fond dans la free music qui n’hésite pas à mettre en avant les possibilités sonores inusitées avec une réelle force expressive comme le faisaient Paul Lytton et Paul Lovens, il y a trois ou quatre décennies. Ce qui est heureux, c’est que leur duo ne doit rien à personne. Ils ont choisi de bien distinguer l’ambiance sonore et le contenu musical pour chacune des pièces, lesquelles sont toutes vraiment réussies. Focalisées sur la richesse des sons plutôt que l’articulation des phrases, arpèges et roulements. On entend des voix hanter les frottements de la percussion et les grincements des cordes. Dans le très court 7, Erichtho, c’est une harpe délirante qui s’affirme produite sur les cordes du piano. Et le morceau suivant apporte encore quelque chose de neuf. On fait coexister et combiner des jeux instrumentaux divergents qui se complètent admirablement, créant ainsi la surprise. Au final, Erythro est un album merveilleux et parmi les plus intéressants pour le plaisir de l’écoute et de la découverte. Excellent de bout en bout. Jean-Michel van Schouwburg (Orynx) |